L’aquarelle

 

FERMER LES YEUX POUR MIEUX VOIR

Henri disait qu'il fallait "aimer ce que l'on va peindre", avoir un coup de coeur pour le sujet que l'on a choisi. Il insistait sur le temps qu'il fallait prendre avant de peindre, avant de se lancer sur la feuille de papier.

"Pour bien peindre, fermez les yeux ", conseillait-il avec l'humour qui le caractérisait. Cela peut paraître paradoxal. Mais dans cet acte de fermer les yeux, il y a d'abord une marque de respect face à la nature, devant l'oeuvre de l'univers.

Fermer les yeux pour mieux voir, comme si on s'extrayait un instant de notre réalité personnelle pour essayer de retrouver un regard vierge.

Il nous recommandait de plisser les yeux, de les garder presque fermés pour mieux extraire la force des valeurs et les lignes essentielles. Il parlait de passer d'une "attention passive" à une "attention active", de prendre un temps pour concentrer son énergie, pour déjà concevoir en soi la structure de la surface du tableau comme le tireur à l'arc bande son arc avant de tirer la flèche.

Ce temps de pause, avant-même l'acte de peindre et de créer, qui allie silence et concentration, pourrait se rapprocher d'un temps de méditation et de prière.

L'IRREMPLAÇABLE TEMPS DE CONFRONTATION

AVEC LA NATURE

Ce que les aquarellistes auront appris au cours des stages d'Henri, c'est l'irremplaçable temps de confrontation avec la nature. On est parfois mal assis, gêné par le soleil, le vent ou la pluie, mais rien ne peut remplacer cette richesse de peindre devant le sujet. Choisir un lieu, s'asseoir devant, c'est entrer en conversation avec la nature. Pendant le temps de création, la lumière va changer, les couleurs vont varier, l'ombre va tourner. C'est rare dans une vie de s'asseoir pendant deux heures ou plus devant un paysage avec un regard attentif et concentré. Dans cet acte de peindre, nous allons créer une relation exceptionnelle. Tout prend une autre densité : la branche d'un arbre, le mouvement d'un nuage, la courbe d'une montagne et même la vie qui passe avec le chant des grillons et des oiseaux, le vent dans un feuillage, la démarche d'un scarabée, la chaleur d'un mur de pierre, l'odeur des plantes... Nous tissons des liens avec chaque élément comme si nous étions en sympathie avec la nature.

Ce n'était pas rare de voir Henri, lors d'une pause, prendre un épi ou une figue, s'appuyer à un arbre comme s'il lui parlait. L'attention qu'il avait pour son propre jardin et ses arbres, pour ses oliviers n'avait rien d'étonnant.